Les Charognards

D'après le manuscrit d'Abd al-Hazir

Alors que je m’effondrais, Burroughs me rattrapa par le col et me secoua violemment : « Tu tiens vraiment à servir de repas au térébrant, hein, al-Hazir ? », s’exclama-t-il. « N’as-tu donc jamais vu de charognards ? »


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Si, j’avais déjà vu ces petites créatures fouisseuses qui se repaissent de cadavres. Toutefois, contrairement à la plupart des créatures de cette sorte, ils sont éminemment agressifs et n’hésitent pas à s’en prendre à quiconque a le malheur de croiser leur chemin. Les charognards ont des pattes musculeuses qu’ils utilisent pour bondir sur leur proie, frappant aux endroits vulnérables tels que le visage et la gorge. Leur anatomie est étonnamment semblable à celle des bondisseurs du désert d'Anaroch, c’est pourquoi de nombreux spécialistes classent les deux races dans la même espèce. Un autre spécimen ensorcelé (certains diraient démoniaque) est connu pour avoir harcelé les aventuriers dans la région de Tristram il y a une vingtaine d’années de cela. Les charognards furent également à l’origine d’un épisode traumatisant de ma jeunesse, que je ne souhaite pas aborder dans ces pages.

« Ouais. Un fouisseur pour attraper un autre fouisseur. », expliqua-t-il. Puis il empoigna les extrémités des cordes qui pendaient de la cage et les ficha dans le sol à l’aide de gros piquets. Il attacha également ce qui ressemblait à de longs couteaux sur les côtés de ses bottes lourdes et abîmées, et enfonça les lames dans le sol.

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« Tu ferais mieux de prendre tes distances », me conseilla-t-il. Alors, s’agrippant aux cordes, il actionna le mécanisme d’ouverture de la porte latérale de la cage, et la jeta immédiatement sur le sable. Elle explosa littéralement sous l’effort des charognards pour se libérer de leur prison. J’eus à peine le temps de me demander comment Burroughs avait pu passer les colliers (fixés au bout des cordes)au cou de ces créatures barbares que celles-ci s’enfonçaient déjà dans le sol meuble.

À cet instant, j’étais particulièrement tendu. Je me sentais comme nu et sans défense. Quelle folie avait donc pu me faire croire que venir ici était une bonne idée ?  

Je scrutais les étendues désertiques dans la lumière mourante, essayant en vain de détecter les palmes cornues si propres au térébrant, fendant la surface du sable.

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Sans avertissement, le térébrant des dunes jailli brutalement du sable alors que ses effroyables mâchoires se refermaient sur les trois charognards. Il y eut d’énormes projections de sable au moment où le monstre replongea dans le sol, emportant ses proies avec lui. Les cordes se raidirent brusquement et je crus que Burroughs serait emporté vers une mort certaine. Je ne comprenais pas comment il comptait ramener cette colossale horreur à la surface, mais il n’essaya même pas : il se contentait de tenir bon.

Après plusieurs secondes de lutte qui parurent une éternité, la corde commença à s’agiter de soubresauts étranges.

« Ah. Nos petits amis font leur boulot. », lança-t-il dans un sourire funèbre. « Ça devrait être rapide, maintenant. »

Après quelques instants énigmatiques, la corde semblait se calmer et il commença à tirer sa prise à lui. Tandis qu’elle remontait partiellement sur la roche, je compris ce qui s’était passé. Le térébrant n’avait fait qu’une bouchée des charognards, qui ont tout de suite commencé à le dévorer de l’intérieur, remontant vers l’estomac du monstre avant que les sucs digestifs ne les tuent à leur tour. L’un des charognards vivotait encore un peu, car il avait réussi à se frayer un tunnel dans la chair de son hôte, fouettant l’air de ses griffes à mesure que sa peau se dissolvait sous l’effet corrosif du liquide mortel. Je vomis.  

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Burroughs se moqua de moi une fois de plus, tandis qu’il découpait la tête triangulaire de la bête, et commença à me faire la leçon sur l’étonnant térébrant des dunes : la dynamique de ses protubérances, sa mâchoire inférieure angulaire capable de creuser son chemin dans le sol, la façon dont la conception de sa mâchoire lui permet de nager sans effort dans le sable avec une facilité déconcertante, et tant d’autres détails qui ne m’intéressaient pas à ce moment. Je me mis à opiner du chef faiblement et me demandai quand je pourrai m’en retourner poliment chez moi et me réfugier au fond de mon lit.

A propos de l'auteur

Historien, gentilhomme et érudit célèbre, Abd al-Hazir a récemment entrepris la tâche colossale qui consiste à enquêter, rechercher et compiler des informations à propos des lieux et des habitants extraordinaires de notre monde.

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